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    La place Audin a Alger a été pour moi un mystère pendant de longues années. Mystère par ce nom qu'elle portait et qui sonnait européen ; mystère par ce côté très particulier de la population qui la féquentait, formée essentiellement d'étudiants à cause la proximité des facultés (et donc du fameux tunnel du même nom) et des voyageurs qui avaient la chance de quitter le pays et qui venaient en masse à l'agence Air Algérie qui s'y trouvait.  La place Audin  est située dans ce quartier branché de la ville, et tout se passe comme si ce beau nom lui conférait à lui tout seul une certaine respectablilité naturelle et une certaine forme de modernité.  

    Je n'ai connu L'histoire du mathématicien français, militant anticolonialiste, qui a donné son nom à ce lieu qu'une fois à Paris en 1990. Et depuis, je sens que son âme est dans cet endoit. Il fait partie pour moi des fiertés de la France comme Henri Alleg, célèbre auteur de "La question"  et le dernier à avoir vu Maurice Audin avant sa disparition en 1957 ou Laurent Schwartz qui a présidé sa thèse en décembre de cette année en son absence puisqu'Audin a été arrêté en juin. Je pense aussi à Pierre Vidal-Naquet qui a écrit " l'affaire Audin" en 1958 et récemment a Bertrand Delanoë qui a inauguré en 2004 à Paris, une autre place Audin dans le cinquième arrondissement de la capitale.Ils font partie tous de ces hommes et de ces femmes qui ont refusé que la France ne sombre dans le déshonneur et la honte en commettant des actes inacceptables.

    Cet assistant de mathématiques à la faculté d'Alger, inscrit au parti communiste,  est arrêté chez lui dans la ville blanche, exactement le 11 juin 1957 par le lieutenant des parachutistes du général Massu, Philippe  Erulin. Il étatit soupçonné en plein "bataille d'Alger" d'aider le FLN. Plus aucune  trace de lui depuis. Il était père de trois enfants et devait soutenir une thèse en mathématiques le 2 décembre de la même année.

     L'armée française a tout fait évidemment pour que l'affaire Audin n'en soit pas une en montant en toutes pièces un scénario : Maurice Audin aurait bondi de la jeep qui le transportait à son lieu de détention. Il se serait donc tout simplement évadé. La mort de cet homme dont personne ne doutait  alors, a profondément choqué en métropole et plusieurs "comités Audin" ont été mis en place afin de faire la lumière sur cette disparition et sur la pratique de la torture en Algérie.

     En effet, l'enquête de Pierre Vidal-Naquet publiée la première fois en mai 1958 sous le titre "l'affaire Audin" soutient la thèse selon laquelle Maurice Audin ne se serait pas évadé et qu'il  est décédé sous la torture le 21 juin 1957 (son assassin était le lieutenant Charbonnier, un paramilitaire au service de Massu). Cette même torture subie au centre d'iinterrogatouire d'El-Biar, sur les hauteurs d'Alger, au même endroit  où a été supplicié Henri Alleg. 

       Pour rendre hommage à la mémoire de ce mathématicien, L'Association "Maurice Audin" organise un prix de mathématiques décerné chaque année à deux lauréats : un mathématicien exerçant en Algérie, un mathématicien exerçant en France. Les membres du jury du prix sont, en principe, les présidents en exercice des sociétés savantes de mathématiques, SMF et SMAI, les deux autres membres sont des mathématiciens algériens.

      Le peintre algérien Mohammed Khadda a intitulé en 1960 Hommage à Maurice Audin l'une de ses toiles, conservée depuis 1991 au Musée national des Beaux-Arts d'Alger. Le poète Messaour Boulanouar a dédié à sa mémoire l'un de ses longs poèmes.

      L'artiste plasticien Ernest Pignon-Ernest a réalisé en 2003 une intervention à Alger, intitulée « Parcours Maurice Audin ».

      La mathématicienne Michèle Audin, connue pour son livre Géométrie, est la fille de Maurice Audin.

     Il était âgé de vingt cinq ans et père de trois enfants. Nul ne l'a revu et son corps n'a jamais été retrouvé. Malgré plusieurs actions judiciaires, l'État français n'a toujours pas reconnu son assassinat sous la torture.

     En juin 2007, Josette Audin, la veuve du mathématicien assassiné qui a déjà déposé plainte en vain  2001 pour "enlèvement" et "séquestration", a écrit au Président de la République récemment élu pour lui demander d'éclaircir le mystère de la disparition de son mari et pour que la France assume sa responsabilité dans cette affaire.

    Il est encore temps, Monsieur Le Président.

     P. S : Maurice, tu resteras à jamais dans nos coeurs et nous nous n'oublierons pas que ton tortionnaire est mort décoré de la légion d'honneur.

 

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