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Le dernier film de Nadir Moknèche fera sans doute date dans l'histoire du cinéma qui nous vient d'Algérie. Ce jeune réalisateur a commencé une oeuvre originale et prometteuse en 2000 avec "le Harem de madame Osmane". Il en est aujourd'hui à son troisième film avec "Délice Paloma" sorti en salle à Paris le 11 juillet dernier.

Il y a beaucoup de choses à dire sur Nadir Moknèche en dehors des comparaisons faites par les journalistes entre ses films et ceux de l'espagnol Almodovar.

Il y a notamment le respect que suscite le travail long et méticuleux qu'il fait et dans lequel il a su valoriser le talent de la grande Biyouna au cinéma (qui d'autre l'a fait ?) ainsi que celui, bien réel, de la belle Nadia KACI.

 Il y a bien sûr et surtout cette obsession de la femme et de la femme algérienne en particulier, et puis il y a Alger la blanche, omniprésente, personnage incontournable et fidèle de Moknèche.

   J'ai été parmi les premiers a émettre des réserves amicales sur "Viva l'Aldjérie", son second film sorti en 2004.  Réserves sur l'exagération qu'il y pratique de certains traits de la vie d'une jeune femme d' Alger  qui, par exemple,s'envoie en l'air sans tabous dans les toilettes des boites de nuit avec le premier venu ( qu'on me comprenne bien : je ne voudrais pas réduire le film à cette parabole, il a une densité bien réelle et son message est ailleurs). Ceci n'était pas choquant en soi (puisque la liberté de l'artiste est un principe fondamental) si les journalistes n'avaient pas alors pris la fiction du jeune et talentueux réalisateur pour une peinture de l'Algérie des années 2000, et qu'il n'a pas démenti cette interprétation à ce que je sache.. Il y a eu de ma part  en particulier des réserves fortes sur l'utilisation de la langue française tout le long du film et contre tout bon sens...Pourquoi pas me diriez-vous ? Mais vous savez bien, les clichés des médias, l'ignorance de ce qu'est l'Algérie dans l'hexagone, le passé colonial, tout cela pèse lourd et devait être à mon sens pris en compte par un réalisateur comme Moknèche. Et puis il y a la réalité qui n'est pas la même : à Alger, on parle en général l'arabe algérien ou le kabyle. Et la question fondamentale : à qui s'adressent les films de Moknèche s'ils ne sont pas accessibles aux algériens eux-mêmes, à tous les algériens. Sont-ils comme ses oranges du Maroc que l'on ne vend jamais sur le marché local ?

   Aujourd'hui, et après avoir regardé "Délice Paloma" qui est beaucoup moins extravagant que le précédent, moins tourné vers les délices et les délires du corps, plus pudique et sans doute plus réaliste sur ce plan, j'ai passé un excellent moment de poésie et en même temps d'invitation à la réflexion. J'ai passé un moment de bonheur, de tristesse et d'amour à Alger, qui était   plus belle que jamais grâce au regard de Moknèche. Cette beauté est allée se prolonger du côté de Tipaza et de ses  ruines romaines qui évoquent les écrits de Camus.

   J'ai également  pu nuancer mon avis sur la question de la langue : Nadir moknèche s'exprime par le cinéma au même titre que Kateb Yacine par l'écrit : il ne sait pas le faire autrement qu'en français !  (avec quelques clins d'oeil à l'arabe algérien qui sont beaux et salutaires dans ce dernier film). C'est la langue de son art et cela est respectable. C'est dire que l'univers de Moknèche ne se pénètre pas facilement... D'une certaine façon, il se mérite et c'est tout à son honneur...Un regret néanmoins, Nadir l'algérois aurait fait sensation en Algérie avec un film en VO. Mais a-t-il seulement la possibilité de le faire ? Ses films ne sont-ils pas ainsi condamnés à être destinés à l'exportation et au public algérien averti ? Je pense que Nadir pourrait aussi, avec son talent, être un vrai cinéaste populaire. Je ne peux pas regarder ses films avec ma mère et je le regrette. Je ne peux pas au même titre partager les senstations de "Nedjma" avec mon père et Kateb lui-même disait que les gens le connaissaient en Algérie comme ils auraient pu connaître un boxeur puisqu'ils ne l'ont pas lu. Nadir Moknèche est sans doute alors condamné à cela...Quel dommage !! et puis j'aime les langues d'Algérie (dont le français). Pour moi, il est difficile de parler de cette terre sans les évoquer toutes les trois.  

    "Délice Paloma" s'inscrit dans cette obsession Moknèchienne de la femme et de sa condition, ainsi que dans son désir de faire connaitre la beauté d'Alger qui a été très peu présente au Cinéma mondial et algérien avant lui (Visconti, Allouache...). Son amour pour cette ville et pour les femmes algériennes est très frappant.  C'est le noeud de son travail.

    " Délice Paloma" commence par la sortie de prison de Madame Aldjéria (incarnation voulue de cette Algérie qui souffre) habillée en survêtement aux couleurs du pays et  interprétée par L'excellente Biyouna...    

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