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        Aujourd'hui, 8 mars 2007, je me suis réveillé femme. Je suis donc désormais une femme du monde, prête à aller au travail pour assurer la subsistance de ses deux filles. J'ai pensé qu'il y avait un avantage sérieux à être femme, c'est de ne pas se raser impérativement le matin. Ce sera  peut-être en fin de semaine, mais uniquement les jambes, c'est plus simple...Quel soulagement et quel gain de temps. Je me suis appliquée après ma douche à mettre mon tailleur bleu marine, poste de responsabilité oblige, mais l'épreuve des collants était un peu difficile. Je n'ai jamais compris comment les autres femmes, puisque je suis d'elles maintenant, arrivent à les enfiler en moins de deux. Après le petit déjeuner, le maquillage a été une épreuve rude, une mécanique de précision, j'ai failli m'en mettre partout...

     Prête à aller au travail ? j'oubliais presque  les enfants qu'il faut réveiller pour les préparer à l'école, le petit déjeuner à mettre sur la table en partant pour le remarquable mari s'il ne se réveille pas tout de suite ; mon mari (qui était encore ma femme hier) que j'ai la chance d'avoir et qui est un haut-fonctionnaire chouchouté  par sa mère, jamais  lavé une chaussette, jamais touché un balai, jamais habillé une de nos filles, non jamais... Ce n'est pas pour lui. Les études que j'ai faites moi ne comptent pas, il faut quand même que je m'acquitte des tâches subalternes, lui, ce n'est pas pareil...Je suis une femme... Voilà ce que sera son système de défense si j'osais lui dire ses quatre vérités. J'aurais beau affirmer  que je ne suis pas sa mère...

     Bref je m'occupe des filles, elles ne sont pas en retard, heureusement, je sors avec elles, je les dépose dans deux écoles différentes, à pied, en métro et en voiture, bisou, travaille bien, à ce soir. Dans le métro un homme me serre de très près en profitant de la bousculade, On ne me la fait pas car j'ai eu une expérience assez longue d'homme.. J'ai des envies de le gifler mais...je suis une femme du monde, il faut être à la hauteur. Mon talon se casse sur l'escalator du métro Saint-Lazare, un SDF me fait les yeux doux, un autre, bourré de bon matin, me montre son sexe que cache heureusement son pantalon. Je boite sous les regards des passants interloqués et me dirige à mon travail.

       Christiane, qui est à l'accueil, me salue, je parle quelques minutes de la pluie et du beau temps avec elle et je la félicite pour son travail de la veille. Mon adjoint arrive alors comme un ouragan me reprocher en termes à peine voilés mon départ à 19 h 00 la veille, alors que lui est resté au bureau jusqu'à 23 heures pour finir le travail, les dossiers en attente ... Il a cinquante ans, pas d'amis, pas de femme et pas de famille, sauf un frère à Marseille avec lequel il a coupé les ponts depuis longtemps. Situation très comparable à la mienne... Je l'envoie aux roses sous le regard pétillant de Christiane qui le traite de misogyne à voix basse. Elle me confesse qu'il n'a jamais supporté l'autorité d'une femme depuis qu'il est là et que je ne suis pas  la  première avec laquelle il agit ainsi


       J'arrive à mon bureau, mon superbe mari m'appelle pour me demander où se trouve le sucre. Si ce n'est pas dans le sucrier, il n'y en a plus...Il se met en colère, je lui propose d'aller faire les courses cette semaine s'il n'est pas content du service. Je raccroche excédée et fatiguée. Une de mes employées vient ensuite se plaindre auprès de moi "entre femmes", je l'écoute car je la sens mal, son mari la bat mais elle l'aime quand même...Il lui a cassé une dent hier. Je réponds que si elle ne réagit pas, il lui en cassera une autre ce soir, elle sort de mon bureau en colère...

      Je suis seule à présent, j'enlève mes chaussures et je me sens mieux, je me repose et je ne me souviens de rien...

        Ma fille m'appelle pour prendre le petit déjeuner que ma femme m'a servi avec amour. Nous sommes le 8 mars 2007 mais je suis bel et bien un homme....un homme du monde. Cela me semble plus facile. Je demande à ma femme qui sourit en voyant l'état de mes cheveux si je peux l'aider à servir. Elle ne comprend pas ce langage. Elle ne l'a jamais entendu. Je me rends compte après un laps de temps que j'ai rêvé que j'étais une femme et que ce n'était pas simple.

       Je décide de faire un mot à toutes mes collègues et à l'afficher ce matin :
                                    Paris, le 8 mars 2007

 Chères collègues,

La journée internationale de la femme est toujours pour moi un moment important : c?est d?abord l?anniversaire de ma jeune soeur qui  a su choisir une bonne date de naissance, c?est également l?occasion de me rappeler mon attachement à ce qu?a été le combat des femmes au long des siècles, combat dans lequel se reconnaît l?humanité entière, fière de leur démarche constante et bienfaitrice. Enfin cette journée nécessaire réaffirme que la lutte incessante des femmes pour leur émancipation à travers le monde a toujours gêné les obscurantistes de tous bords. Cela me semble suffisant pour affirmer que ce monde serait à la dérive sans elles, sans leur énergie et leur créativité.

       Bien conscient que  beaucoup de choses sont encore à faire (y compris  en France) dans ce domaine, et qu?il ne faut surtout pas baisser la garde,  je vous présente mes v?ux de bonheur et de succès à l?occasion de cette journée. Je n?oublie pas que les femmes sont aussi souvent des mères comme la mienne,  dont le travail d?éducation et l?investissement quotidien passe souvent sous silence. Elles portent en réalité le poids du monde sur leurs épaules.

                                                                                                             Monsieur ADNANI
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