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    Souvenons-nous mes chers amis, le 15 mars 1962 était assassiné par l'OAS Mouloud Féraoun, écrivain algérien , né en Kabylie.

    Ils étaient en tout six :

Marcel BASSET
Robert EYMARD
Mouloud FERAOUN
Ali HAMMOUTENE
Max MARCHAND
Salah OULD AOUDIA

   Tous inspecteurs de l'éducation nationale, réunis le 15 mars 1962, trois jours avant la signature des accords d'Evian, à Château-Royal dans le quartier d'El Biar, près d'Alger.  Max Marchand, leur responsable, était un Normand passionné d'Algérie. Ils dirigent des centres sociaux lancés en 1955 par Germaine Tillion, où l'on crut jusqu'au bout à l'alphabétisation et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes pour apprendre, enfin, à vivre ensemble un peu moins mal. Un commando Delta de tueurs de l'OAS, commandé semble-t-il par l'ex-lieutenant Degueldre, les déchiqueta à l'arme automatique, ce jour-là, comme des chiens, dos au mur, pour qu'un dernier espoir s'éteigne. [Jean-Pierre Rioux].


    Au cours de la nuit qui suivit cet assassinat, Germaine Tillion a écrit le texte suivant qui est paru dans Le Monde du 18 mars1962.

La bêtise qui froidement assassine

"Mouloud Feraoun était un écrivain de grande race, un homme fier et modeste à la fois, mais quand je pense à lui, le premier mot qui me vient aux lèvres c'est le mot: bonté...

C'était un vieil ami qui ne passait jamais à Paris sans venir me voir. J'aimais sa conversation passionnante, pleine d'humour, d'images, toujours au plus près du réel - mais à l'intérieur de chaque événement décrit il y avait toujours comme une petite lampe qui brillait tout doucement: son amour de la vie, des êtres, son refus de croire à la totale méchanceté des hommes et du destin.

Certes, il souffrait plus que quiconque de cette guerre fratricide, certes, il était inquiet pour ses six enfants - mais, dans les jours les plus noirs, il continuait à espérer que le bon sens serait finalement plus fort que la bêtise...

Et la bêtise, la féroce bêtise l'a tué. Non pas tué : assassiné. Froidement, délibérément ! ...

Cet honnête homme, cet homme bon, cet homme qui n'avait jamais fait de tort à quiconque, qui avait dévoué sa vie au bien public, qui était l'un des plus grands écrivains de l'Algérie, a été assassiné... Non pas par hasard, non pas par erreur, mais appelé par son nom, tué par préférence, et cet homme qui croyait à l'humanité a gémi et agonisé quatre heures - non pas par la faute d'un microbe, d'un frein qui casse, d'un des mille accidents qui guettent nos vies, mais parce que cela entrait dans les calculs imbéciles des singes sanglants qui font la loi à Alger...

Entre l'écrivain Mouloud Feraoun, né en Grande-Kabylie ; Max Marchand, Oranais d'adoption et docteur ès lettres; Marcel Basset, qui venait du Pas-de-Calais ; Robert Aimard, originaire de la Drôme ; le catholique pratiquant Salah Ould Aoudia et le musulman Ali Hammoutène, il y avait une passion commune : le sauvetage de l'enfance algérienne - car c'était cela leur objectif, l'objectif des Centres Sociaux : permettre à un pays dans son ensemble, et grâce à sa jeunesse, de rattraper les retards techniques qu'on appelle "sous-développement". Dans un langage plus simple cela veut dire : vivre.

Apprendre à lire et à écrire à des enfants, donner un métier à des adultes, soigner des malades - ce sont des choses si utiles qu'elles en paraissent banales : on fait cela partout, ou, à tout le moins, on a envie de le faire. [...]

Et c'était de quoi s'entretenaient ces six hommes, à 10 heures du matin, le 15 mars 1962 ..."



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